Je n'arrive pas à écrire. J'ai des
récits sur le feu mais depuis des semaines, je ne parviens pas à
les continuer. Dieu sait que j'aime mes personnages. J'ai envie de
les faire naître, tomber amoureux, les frapper, les tuer même, les
faire pleurer.
Pourtant, ils attendent. Mon chouchou
que j'aime d'amour et que je serais si triste de quitter, que j'ai eu
tant de mal à tuer m'acompagne depuis deux ans et demie, j'ai écrit
deux tomes et demie (même si le demi tome écrit va devoir passer à
la débroussailleuse car ce n'est pas ce que j'ambitionne pour lui,
il mérite tellement mieux) sur trois. La publication est entamée et
il doit sortir de l'ombre, grandir encore un peu pour que je l'amène
où son destin doit le mener.
Parce que la pandémie et le
confinement sont passés par là. Parce qu'il fait chaud et que je
dors mal depuis quelques semaines. Parce que les gens sont anxiogènes
en ce moment; les gens, il n'y a pas que le covid dans la vie. Vu?
Lisez des livres, allez vous promener, regardez des films ou faites
ce que vous voulez.
Aujourd'hui, j'ai écrit, écrit, écrit
sur tous les sujets possibles et imaginables. Ici, ailleurs, fait des
défis d'écriture, sorti mon journal intime (et mon Dieu que c'est
casse-pied de compter les mots un par un quand on écrit à la main,
j'y ai passé plus de temps qu'à écrire sur je ne sais plus quoi,
j'ai dû raconter ma journée, je crois).
Je n'arrive plus à produire des choses
sur le plan artistique, mon violon m'appelle depuis son étui, mon
carnet de notes attend que l'ouvre pour écrire les histoires qui
attendent. Je crois que je fais une sorte de burn-out artistique, un
épuisement créatif.
Ca tombe très mal, en plein nanowrimo,
c'est vraiment la tuile. Par chance, j'ai pris le souci à bras le
corps avant que le mois ne passe. Il est plus facile de rattrapper
son retard le 8 d'un mois de 31 jours que d'attendre le 20 pour s'y
mettre.
Est-ce que c'est du temps perdu? C'est
un peu dommage mais pas forcément. J'ai pu me remettre dans les
sujets d'écriture que je délaisse en temps normal, parfois les
sujets sont vraiment bateau à croire qu'ils prennent une phrase au
hasard en ajoutant quelques contraintes, histoire de dire. Mais
parfois, c'est vraiment intéressant de sortir des sentiers battus.
J'y pense rarement, je participe rarement parce que je les oublie un
peu et que souvent, je m'y prends trop tard mais comme j'écris pour
affiner mon écriture et pas pour gagner, ça n'a guère
d'importance.
Alors, je triche, j'écris à côté,
j'écris pour écrire. Mais même si je devais écrire dix mille mots
pour "rien", ils n'auront pas été vains. J'aurais écrit
des textes que je n'aurais pas écrits en temps normal, rempli mon
blog que je délaisse honteusement parce que les gros projets
prennent vraiment toute la place dans ma tête et dans mon disque
dur. Je me suis souvenu que j'avais des récits commencés qui ne
demandent qu'à être un peu repris, corrigés et publiés voire mis
de côté pour voir si je peux en tirer une version étoffée dans
quelques temps, quand j'aurais eu le temps de me poser un peu.
L'inspiration s'est tarie, elle a
besoin de respirer, de palpiter en mon sein pour s'épanouir
pleinement. Mes personnages ont besoin de grandir un peu pour
s'exprimer comme ils le demandent, en ont besoin et le méritent.
Peut-être même que de vieux personnages viendront toquer à la
porte de mon cerveau en disant "j'ai encore des choses à dire,
écoute-moi". Je n'ai pas pu nourrir mon imagination comme elle
en avait besoin alors les récits butent sur mon crâne, ils tournent
en un ballet qui finit par m'épuiser et ils envahissent mes rêves
parce qu'ils ont besoin de sortir mais une part de moi n'est pas
encore prête à me replonger corps et âmes dans les méandres de
mes récits. Ca m'est déjà arrivé, en général, c'est qu'un
changement qui va modifier tout le récit et parfois m'obliger à
revenir en arrière arrive; parfois, ce n'est qu'une scène sans la
moindre importance qui me tient à cœur sur le plan personnel. En
temps normal, cela ne me dérange pas de leur laisser du temps mais
c'est le nanowrimo et c'est important pour moi de réussir ce défi.
Parce que depuis des années que je m'y colle trois mois par an, je
ne l'ai jamais raté, pas une seule fois même si c'est dans le sang
et les larmes en écrivant des textes bons à partir à la poubelle.
Alors, je vais attendre le bon moment
et m'y replonger corps et âme. En une semaine, je peux faire
beaucoup, ça peut suffire à boucler un chapitre ou avancer un
récit, écrire une nouvelle qui a attendu trop longtemps dans mon
carnet.
Mais je dois écrire quand même, même
si je choisis des défis d'écriture stupides (et certains ont donné
naissance à quelques-unes de mes nouvelles les plus réussies). En
écriture, rien n'est jamais perdu, jamais. Même si ça demande du
travail derrière. Alors même dans les passages à vide, il ne faut
pas lâcher ses passions, jamais. Je n'arrive pas à toucher mon
violon mais je note les jours sans le toucher, je me ferai de grosses
sessions lorsque j'aurais la tête à ça, ce n'est pas grave, ce
n'est pas perdu, ça apprend à travailler de manière efficace et un
peu sous pression. A se laisser porter par son instinct.
Ecrire, écrire tous les jours ou
essayer. Ces derniers temps, j'ouvrais mon traitement texte et
j'attendais que les mots viennent. Mais rien ne venait alors, tant
pis, je fermais tout mais j'avais essayé, j'avais réfléchi à mes
récits, je m'étais souvenue qu'ils étaient là, en attente. Je
sais que je vais les finir, avec quelques mois de retard peut-être
mais j'ai confiance.
Ecrire fait partie de moi comme
l'imagination, remodeler le monde et y mettre de la magie. Créer des
mondes, des personnages, vivre des aventures que je ne vivrais jamais
dans la réalité (et heureusement, je ne ferai pas une très bonne
aventurière même si les héros ont rarement le choix). Ecrire,
jouer avec les mots, les sons, les émotions, les sensations même si
ça n'a pas de sens, même si c'est pour rien, même si ça finit
dans les tréfonds de mon disque dur, même si personne ne lira
jamais ces mots. C'est le métier que j'ai choisi, pas rémunéré ou
si peu (car je vends quelques livres par an quand même), mais il a
du sens. Il me permet de supporter les emplois sans intérêt et mal
payés. Un métier où je me forme en autodidacte mais c'est ce qui
me convient le mieux de toutes manières. Un métier pas si solitaire
que ça même si c'est beaucoup de virtuel (mais j'ai trouvé des
gens avec qui nanoter ce mois-ci même si c'est timide et que la
productivité est plutôt mauvaise, soyons tout à fait honnêtes. On
parle plus que l'on écrit mais ce n'est pas grave, ça fait du
bien).
Alors tant pis, tant pis si je triche,
si j'écris des articles de blog sans intérêt, que je raconte ma
journée sur une feuille de brouillon qui part à la poubelle où je
galère à compter les mots à la main. La vie est un jeu et jouer
avec les mots est un jeu merveilleux.