Ces derniers mois, j'ai cherché un "Manuel à l'usage des enfants de parents toxiques" sans trouver. Pourtant, aujourd'hui au début de la trentaine, je suis en train de me refaire mon éducation de A à Z, de revoir mes valeurs, mes bases. Tout détruire pour mieux rebâtir et enfin trouver la paix.
Les livres sur le sujet, c'est très très utile. J'ai trouvé assez peu de récits complets (livres, blogs...), j'ai trouvé des bribes d'histoires de vie sur des fora et des livres de psychologie ou articles traitant de sujets liés (parents toxiques, angoisse d'abandon et personnalité abandonnique, confiance en soi...). Mais je ne trouve pas ce que je veux, c'est à dire, les connaissances, les compétences que les parents sont supposés transmettre à leurs enfants. Oui, comment combler des lacunes si on ne sait pas qu'on a celles-ci, sachant que dès le départ, on mettra des années pour y arriver. Si, en plus, on passe du temps à tâtonner, la vie passe en attendant, les années s'écoulent et on ne vit pas aussi pleinement qu'on aurait dû ou pu. Je pense que je mettrai cet article à jour au fur et à mesure de mes avancées. Je ne trouve pas ce que je veux donc je le fais moi-même.
Je me base principalement sur mon expérience personnelle mais si ça peut aider quelqu'un, tant mieux!
Pour tenter de ne rien oublier, je vais me baser sur les 14 besoins fondamentaux de Virginia HENDERSON.
I RESPIRER
Respiration
C'est simple, j'ai une respiration faible: elle n'est pas ample et profonde. Forcément, ma voix porte assez peu, ce n'est pas gênant car je le sais et je fais un effort si je dois parler fort. Mais ce fut un long apprentissage.
II BOIRE ET MANGER
Addiction au sucre
J'en ai parlé, j'ai une addiction au sucre pour tenter de combler un vide. Mes parents m'ont donné de bonnes bases alimentaires, je me suis lâchée au départ sur les produits auxquels je n'avais pas droit mais j'ai mis des années avant de me l'autoriser.
Cuisiner
Qui dit parent toxique dit tout faire pour limiter mon autonomie. J'ai acheté un livre de cuisine et j'ai commencé par des choses simples: pâtes en sauce, crêpes, quatre-quarts. Il y a eu du gâchis, des ratages mais j'ai fait comme j'ai pu, d'autant plus que je suis très limitée par mon budget.
IV SE MOUVOIR ET MAINTENIR UNE BONNE POSTURE
Attitude corporelle
J'ai du mal à occuper l'espace, avoir des gestes souples et expansifs, rire bruyamment. J'ai fait des exercices de théâtre donc c'est mieux. J'ai l'impression de lutter sans cesse entre la réserve imposée par mes parents toxiques et un mélange de réserve et d'expansivité qui me semble naturelle.
Façon de se tenir
Même chose, j'ai envie de dire. Généralement, je sais quoi faire de mon corps, de mes mains et je me fiche de ce que pensent les gens.
VI SE VETIR ET SE DEVETIR
Apparence
Ce n'est pas compliqué, j'ai appris à m'habiller, me coiffer, me maquiller
dans les magazines féminins (vous savez ceux avec 25 % de publicités
pour des produits hors de prix, 70 % d'articles redondants qui font
passer les femmes pour des cruches sans cervelle et 5 % d'articles
intéressants), activités hautement intellectuelles.
J'ai commencé
par du terne (vêtements noirs, gris, bleu marine comme ma mère;
maquillage pâle et qui se voit peu) et peu à peu, j'ai intégré que du
plus "visible" valait le coup d'essayer suffisamment de temps pour m'y
habituer (la révélation du rouge! Ca me va, alors que pendant longtemps
un haut rouge m'a semblé osé...). J'ai mis beaucoup de temps à oser les
décolletés, les vêtements moulants ou courts (hormis pour aller en
boîte, mais c'est "pour de faux", on est d'accord, pas pour tous les
jours).
J'ai accentué mon maquillage pour des couleurs plus
voyantes, en harmonie avec mon visage, sans rentrer dans le vulgaire.
Merci les magasines féminins pour le coup. Au début, le maquillage,
c'était pour les soirées, pas tous les jours...
J'ai encore du mal
avec les décolletés trop plongeants ou les vêtements trop moulants, ce
qui est dommage car je me plais comme je suis physiquement et que je ne
serais jamais aussi jeune que maintenant. Mais j'y travaille...
Parlons des matières, tiens! J'aime les matières douces au toucher (laine), j'ai du mal à rester peu habillée (débardeurs ou jupes courtes), je me suis forcée et habituée peu à peu même s'il reste le souci de la température (voir VII).
VII MAINTENIR SA TEMPERATURE
Je suis terriblement frileuse, même en été, j'ai toujours un pull. Je ne sais pas si c'est lié à une carence affective, mais on dit que les gens seuls ont tendance à prendre des douches plus chaudes qu'en temps normal.
VIII ETRE PROPRE, PROTEGER SES TEGUMENTS
Niveau hygiène, rien à dire, je crois.
Quant au fait de me protéger, j'avoue ne pas être douillette, je ne vais pas faire une montagne d'une simple coupure. Il est vrai toutefois que je suis parfois assez dure avec moi-même.
IX EVITER LES DANGERS
L'addiction au sucre, ce n'est pas très bon pour la santé, on est d'accord (même si c'est plus un doudou pour combler une carence affective) mais je surveille et je reste globalement raisonnable. Même en période de "craquage", je limite la quantité de sucre que j'achète pour ne pas endommager ma santé à long terme.
X COMMUNIQUER
Communication non verbale
Je crois me souvenir que j'étais une petite fille rieuse, pleine de vie et assez active.
J'ignore si c'est un faux souvenir, mais les photos semblent confirmer
cette impression. En tous cas, j'ai appris au fil du temps à prendre le
moins de place possible corporellement, à laisser transparaître le
moins de sentiments possible et acquérir une très bonne maîtrise de
moi.
Il y a deux trois ans, j'ai décidé de changer certaines
choses et apprendre à occuper l'espace. J'ai trouvé sur internet des
exercices de théâtre qui m'ont beaucoup aidée qui consistaient à mimer
des situations, des façons de marcher, expérimenter plusieurs
intonations de voix selon des situations imaginaires. La première fois,
c'est dur, je me suis sentie RIDICULE toute seule dans mon salon, j'ai
eu du mal à rester sérieuse! Mais ça a vraiment débloqué "un truc".
Communication verbale
J'ai énormément travaillé le volume de ma voix,
je me suis renfermée au fil du temps vu que j'étais dénigrée par mes
parents. J'ai donc gardé mes opinions pour moi. Comme toutes mes joies
ont été systématiquement cassées par le rappel d'une faute commise (une
mauvaise note qui ne donnait pas "le droit" d'éprouver de la joie par
exemple), j'ai appris à cacher mes joies, à tel point que c'est devenu
une seconde peau. J'ai une très bonne maîtrise de moi-même (bien que
j'ai réussi ces dernières années à lâcher du lest, c'est naturel mais je
sais me maîtriser en général si j'en ai besoin) malgré que je sois très
spontanée "à la base".
J'ai du mal à utiliser le "je",
je passe par le "nous" le plus souvent, comme si je fuyais mes
responsabilités (ce qui est loin d'être le cas!). C'est mieux mais je
fais très attention à ne pas occulter le "je" sous l'effet du stress
(lors d'un entretien pour parler d'un travail effectué de manière
collective). On m'en avait fait la réflexion lors du passage d'un
concours, comme quoi les gens ont sans doute été assez hypocrites: ils
ont dû le voir sans m'en parler.
J'ai appris à me montrer très positive mais quand je suis avec une autre personne, j'ai du mal à exprimer cette positivité
et je passe souvent par des tournures négatives. Au lieu de dire que
les choses se sont bien passées, je dirais plus facilement qu'il n'y a
pas eu de problèmes. Ca ne veut pas tout à fait dire la même chose, on
est bien d'accord.
J'ai du mal à tourner les compliments.
J'ai compris il y a quelques années déjà, l'importance de complimenter
les gens sur les efforts qu'ils font, leur montrer ce qu'ils font de
bien. La majorité des gens va pointer le négatif, ce qu'on ne réussit
pas mais savoir ce qu'on réussit est important non?? Pour les
compliments banals (ça te va bien, tu es beau/ belle, tu as l'air
d'aller bien...), il n'y a pas de soucis majeurs, l'habitude aidant.
Mais pour les compliments plus extraordinaires (au sens premier), du
genre "Je trouve vraiment génial que tu n'ai rien lâché dans cette passe
difficile.", je suis moins à l'aise, je me sens plus gauche bien que
cela vienne du cœur. Je pense que cela vient du fait que dans notre société, à la base, on fasse plus facilement des reproches que des compliments.
Reconnaître les gens toxiques
XI AGIR SELON SES CROYANCES ET SES VALEURS
Définir ses valeurs Trier ses croyances
J'ai dû à un moment trier mes valeurs: qu'est-ce qui est "moi" et qu'est-ce qui est ce qu'on aurait voulu que je sois pour les assumer totalement tout simplement. Ce n'est pas si simple, mine de rien de retrouver son vrai moi quand on l'a enfermé durant des années.
J'ai dû également trier mes croyances. Je suppose que c'est un tri qu'on fait à l'adolescence mais comme je n'ai pas pu m'exprimer à cette époque là...
Avoir suffisamment confiance en soi pour oser être soi
C'est déjà plus difficile! Comme par définition, des parents toxiques vont tout faire pour fondre l'enfant dans un moule et le modeler selon leur convenance et que pour ce faire, saboter la confiance et l'estime de soi de son enfant est un très bon moyen pour ça, c'est dur. Il faut déjà apprendre à s'aimer, reconnaître ses qualités et ses défauts, les accepter, oser agir malgré les échecs et la désapprobation.
XII SE REALISER
Gérer mon ménage
Je ne savais pas où le mettre! J'ai dû apprendre seule à gérer mon ménage au sens large: budget, courses, administratif, nettoyage, bricolage, réparation de voiture, planifier mes loisirs, connaitre mes goûts en matière de décoration...
C'est simple: j'ai fait! Je n'ai pas trouvé de livre consacré à la question, mais internet m'a sauvée. Oui, pour faire ma première machine, j'ai bien dû me débrouiller seule. Pour les produits ménagers, j'ai lu les étiquettes tout simplement, j'ai vu les effets des produits et j'ai testé pour élargir leur utilisation. Pour tout dire, je suis passée au fait maison et je fais mes mélanges de savon noir, vinaigre de ménage et bicarbonate de soude! Comme quoi, les bonnes "ressources documentaires", ça aide (oui, "C'est du propre!", ça compte). J'ai dû chercher sur internet comment on change un sac d'aspirateur, à quelle fréquence on fait le ménage (oui, oui!), comment on utilise une machine à coudre...
Faire des projets sans abandonner en cours de route
Je ne compte plus le nombre de fois où je suis passée pour une imbécile avec mes questions (l'avantage, c'est que ça arrive une fois et après, on est tranquille). Planifier un trajet, réserver un hôtel, se renseigner sur une formation, c'est très varié à mon sens. J'ai rarement vu mes parents faire ce genre de choses, donc je n'ai pas appris comment faire. Là, c'est pareil, "j'ai fait" comme je pensais qu'il fallait faire.
Ne plus s'interdire des choses S'autoriser à réaliser ses rêves
"Une personne qui s'aime ne s'interdit rien." Sauf que ce n'est pas si simple quand nos parents ont tout contrôlé! Il est nécessaire de se rappeler qu'on a le droit de faire ce qui nous plait (tant que ça reste légal et ne nuit à personne évidemment), de faire des erreurs. C'est vraiment quelque chose à intellectualiser, parce que oui, on va faire des erreurs, c'est le passage obligé mais tellement formateur. Alors, faire des erreurs, ce n'est pas grave! On apprend, c'est normal (et la preuve qu'on agit...). Même si l'entourage dit le contraire (normal, je vous le rappelle, il est toxique!) et remet en doute nos capacités, se montre suspicieux. Oui, j'ai le droit d'aller passer une journée à la mer; oui, toute seule; oui, je vais me faire un resto seule et alors???; non, je ne vais pas me faire agresser plus qu'ailleurs; non, je ne cache rien, c'est quoi ce regard suspicieux??; non, ma voiture ne va pas tomber en panne (et quand bien même, l'assurance sert à quoi?); non, je ne serai pas fatiguée, c'est à 2 heures de route; oui, je n'ai jamais conduit autant sur la journée mais il faut bien commencer un jour et puis, j'ai mon permis non??? Et en cas de souci, j'arriverais bien à trouver une solution, je suis grande!
J'ai 30 ans et je veux me mettre à la danse Africaine et alors??? Il faut bien commencer un jour, non?
Et commencer par les lister, c'est bien pour ne pas en oublier en route avec les ressources nécessaires (budget, temps, horaires et dates d'ouverture, site internet...).
XIII SE RÉCRÉER
S'autoriser à se faire plaisir
Ca a été très difficile pour moi. M'acheter ce qui me fait envie (avec le budget, je précise). Ne pas culpabiliser de perdre du temps ou de l'argent pour des choses triviales. J'ai personnellement un souci avec les choses d'enfants: je suis fascinée par ce que je n'ai pas eu étant plus jeune niveau jouets. Les Barbies aux robe de princesse ou les Pollypocket, on oublie mais les dvd de dessins animés de qualité (type Disney ou Don Bluth), les livres jeunesse (il y a des trucs bien d'ailleurs et parfaitement lisibles par les adultes), le matériel de peinture, je m'autorise le droit de l'acheter.
Prendre soin de soi
Je ne sais pas faire. J'apprends à le faire par petite touche: un achat plaisir, faire mes cosmétiques, faire des bains de pied ou des massages, tester des coiffures. Pour moi, ce n'est pas naturel, normal au sens premier (dans la norme).
XIV APPRENDRE
Arriver à faire face aux évènements
On m'a appris que faire des erreurs, c'était grave; que je ne savais "pas faire"; que j'étais nulle et on ne m'a pas appris à être autonome. Donc en cas de souci, j'ai appris à gérer sur le tas (en faisant parfois un beau carnage!) et vous savez quoi? Je m'en suis toujours sortie. Une batterie à changer? Merci internet! Un dossier administratif à monter? Et bien, c'est simple, la première fois que je suis allée à la caf (je crois), la femme de l'accueil m'a prise de haut car j'ai posé une question "bête". La colère a été plus forte et je lui ai rétorqué que c'était la première fois que je faisais ça et que je ne savais pas. J'ai eu la réponse à ma question et mon regard noir a suffi à mettre l'autre personne mal à l'aise.