dimanche 12 août 2018

Kapibook s'effondre? Vers un nouveau modèle?

https://kapibook.com/2018/07/14/kapibook-creuse-sa-tombe/

Je suis tombée par hasard sur cet article qui m'a mise hors de moi. Des gens se plaignent de voir un site qui propose gratuitement des livres d'auteurs vivants fermer.

Extrait du communiqué
"Je comprends qu’écrire des livre n’est pas toujours le métier le plus payant. Toutefois, si j’étais un auteur, je n’écrirais pas pour l’argent. Lorsqu’on écris un livre, on espère que le plus de gens possible le lisent. Le simple fait qu’une autre personne consacre une partie de son temps a lire ton histoire devrait déjà être un accomplissement. Sans oublier que beaucoup de grands succès d’aujourd’hui doivent leurs succès grâce aux bouches à oreilles. De plus, ce n’est pas parce qu’une personne ne trouve pas un livre en ligne qu’il va nécessairement l’acheter. Nous n’avons pas toujours les moyens de se payer des livres. Les auteurs sont énervés, mais ils ne se doutent pas qu’ils ont gagnés plein de nouveaux fans grâce à notre bibliothèque virtuelle. Si tu es un auteur qui écris que pour l’argent, ne te demande pas pourquoi tu n’arrive pas à percer… S’il y a une chose dont je suis sûr, c’est que le succès viens seulement avec la passion."

Non, écrire des livres n'est pas payant du tout (je commence tout juste à me pencher dessus et oulala). J'ai publié un livre et j'ai gagné 10 € par an (je crois) que j'ai déclarés au titre des droits d'auteurs donc qui compte dans les impôts. C'était un cri du cœur, un premier essai. On peut dire que niveau correction, ce n'était pas trop ça. Je me penche sur de la vraie publication sérieuse et ce sont au moins trois passes de corrections approfondies (phrase à phrase, mot à mot) à prévoir. Sur un livre à 7 € acheté dans le commerce, l'auteur gagne moins de 10 % donc moins de 70 centimes dessus (avant impôt). http://www.editions-humanis.com/combien-gagne-auteur.php
Pour cent livres vendus, il gagnera 7 €. Même s'il en vend cent mille, ça ne pèse pas lourd (et il sera imposé dessus en plus).

Parce que l'auteur, il doit manger, il doit payer son loyer, il doit souvent travailler à temps plein (et honnêtement pour pouvoir écrire, il faudrait travailler au maximum à mi-temps sans avoir trop de temps de trajet), avoir une vie familiale et sociale, des loisirs, lire et en plus, écrire. Sauf que pour écrire (sauf à avoir une scène très précise en tête) si on travaille moins de deux heures d'affilée, ça ne sert à rien, on n'avance pas vraiment. En tous cas, en ce qui me concerne. Donc ça veut dire écrire le soir une fois les enfants couchés et écrire en regardant le film du coin de l'œil tout en discutant avec son conjoint et aller au lit à 23 h passées au mieux pour se lever à 6 h le lendemain. Et écrire le midi ou corriger un bout de texte ou noter des idées en mangeant et en discutant avec les collègues. Et se lever tôt le week-end pour écrire et profiter de sa famille.

Ecrire, je vous l'apprends c'est un travail permanent. Mon carnet sort dix fois par jours pour noter une idée, une amélioration à apporter, un mot de vocabulaire, un joli prénom ou une nouvelle idée de romans ou de nouvelles.

Ecrire? Oh non, il faut écrire, corriger, faire la mise en page si on s'autoédite, gérer la communication, parfois aller sur des salons (avec les frais qu'on imagine). Et comme les projets s'enchaînent si on est prolifique, ça veut dire un boulot à temps plein, une famille, un livre qui grossit à l'état de notes et de premier jet, un livre en cours d'écriture et un livre en cours de correction (il faut trois fois plus de temps pour corriger une page que pour l'écrire en ayant tout en tête, c'est au moins une heure de correction par page ou une demi-heure sur un récit avec une correction minimale).
C'est aussi un ordinateur portable, un logiciel de traque des répétitions et des heures de recherche en tout genre (une donnée précise, un prénom, une plante, des synonymes...). Non rémunéré! Le livre ne sera peut-être pas publiable ou jamais terminé, un souci de disque dur malgré les copies de sauvegarde peut mener à un abandon, le livre ne trouve pas preneur et l'auteur le laisse prendre la poussière au fond d'un tiroir ou d'un disque dur. Pour une histoire de quinze chapitres assez courts, je compte bien 300 à 400 heures de travail entre les relectures, les recherches et le reste.

300 heures de travail à 70 centimes, ça fait 0,25 centimes de l'heure. On ne peut pas dire qu'un auteur lambda travaille pour l'argent. Bien sûr, il connaîtra peut-être un succès fulgurant et deviendra riche mais ça reste pas cher payé.

Et vous, chers utilisateurs, travailleriez vous pour 70 centimes de l'heure?? Peut-être qu'un nouveau système émergera qui permettra de rémunérer enfin correctement les auteurs et de permettre au numérique de devenir abordable. Et Kapibook peut avoir son rôle à jouer dedans tout en devenant légal et assurant sa survie. Mais il faut en premier lieu que les utilisateurs comprennent qu'écrire, c'est un travail à temps plein réel.
Je laisse la parole à Stephen King sur ce point:
"Le but de l'écriture n'est pas de faire de l'argent, de devenir célèbre, de décrocher des rendez-vous, s'envoyer en l'air ou se faire des amis. Finalement, il s'agit d'enrichir les vies de ceux qui liront votre oeuvre, et d'enrichir aussi votre propre vie... J' ai écrit pour la simple joie de la chose. Et si vous le faites pour la joie, vous pouvez le faire pour toujours."
Stephen King qui écrit dix pages par jour même le dimanche, même les jours fériés (et croyez-moi, c'est long à écrire).