mardi 19 mai 2015

Réforme du collège, vers la mort des langues mortes?

  Je suis depuis quelques semaines déjà, la proposition de réforme du collège. Je me base sur cet article:
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/05/13/reforme-du-college-ce-qui-est-vrai-ce-qui-est-faux_4633220_4355770.html .
 
  "Par cette réforme, la ministre veut s’attaquer au « maillon faible » du système scolaire. « Inégalitaire », « suscitant l’ennui », « le collège aggrave la difficulté scolaire, particulièrement dans les disciplines fondamentales » "
Si je lis bien, notre ministre de l'éducation veut s'attaquer à la minorité d'enfants qui ne suivent pas! Inégalitaire? Oui, les meilleurs auront les meilleures chances de réussite mais c'est comme ça aussi dans le milieu professionnel! Les meilleurs travaillent! Peut-être sont-ils plus aidés chez eux, c'est vrai mais l'égalité est impossible dans le domaine de l'éducation: chaque enfant/ adolescent/ jeune adulte a ses forces, ses faiblesses, un intérêt plus ou moins marqué pour les études, un projet professionnel uniques.
  Les enseignements transversaux, c'est plutôt une bonne idée car c'est une ouverture d'esprit. Mais oui, il y a un souci de manque de temps. Ceci dit, ils pourraient être proposés en option aux élèves volontaires le mercredi après-midi par exemple.
  Oui, 20 % "seulement" des élèves choisissent les langues anciennes. Mais c'est une option qui rajoute des heures à un emploi du temps chargé pour des adolescents à un âge où l'école n'est pas forcément une priorité et où se démarquer du moule est difficile à assumer! Latin = intello, insulte suprême que seuls les plus motivés des élèves vont assumer, j'exagère un peu certes...
 Un saupoudrage des cours de français avec " les éléments fondamentaux des apports du latin et du grec à la langue française". Une « initiation à l’étude des langues anciennes », a précisé Mme Vallaud-Belkacem devant l'Assemblée.
Elle parle des  4 ou 5 heures annuelles de travail en cours de Français sur les racines gréco-latines??? 
 L’intégration du grec et du latin à « Langues et cultures de l’antiquité », l’un des huit enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) créés par la réforme de la ministre. Entre la 5e et la 3e, les collégiens auront la possibilité de suivre six de ces modules censés croiser plusieurs disciplines autour d’une « démarche de projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle ou collective », à raison de trois heures hebdomadaires au maximum (le volume horaire exact sera défini par le recteur).
Les EPI, à la base, moi, je trouve que c'est plutôt une bonne idée! Ca permet de découvrir des choses un peu différentes, de faire naitre des intérêts, voire des passions. Ca ferait deux modules par an d'une heure et demie chacun, sachant que j'avais une heure de Latin (qui débordait bien sur la récréation car c'était trop court), ça revient au même. 
Mais 1 h hebdomadaire sur 3 ans contre 1 h 30 sur une demie-année si je comprends bien, ce n'est pas franchement pareil!!

A la suite des vives critiques des enseignants, un troisième volet a été ajouté à la dernière minute : la création d’un « enseignement de complément » en langues anciennes doté d’une heure en 5e et de deux heures en 4e et 3e, dépendant du volontarisme des établissements.
Donc on ne change rien! Les bons élèves déjà intéressés par ces apprentissages se dirigeront vers ces établissements pour peu que la filière choisie permette cette option. Les autres? Ils auront une initiation qui ne leur permettra pas de découvrir vraiment la richesse de ces langues anciennes.
Deux ans de Latin me permettent aujourd'hui de deviner la signification de certains mots inconnus issus des langues Latines, lire La guerre des Gaules de Jules César ou L'histoire de Rome en Français, certes; mais ces œuvres me sont familières, j'ai grand plaisir à reconnaitre des passages que j'avais traduits en cours. Les aurais-je lus en temps normal? Sans nul doute mais avoir fait du Latin peut mener des personnes moins littéraires à s'intéresser à l'immense richesse de la littérature antique, ces légendes, ces coutumes, ces guerres, cette histoire.
J'ai plaisir en allant visiter un monument (château, église...) à comprendre en gros le sens de certaines phrases en Latin: devises, documents historiques... C'est quand même plus complet que les trois lignes du mini-panneau juste en dessous!!

  J'apprends aujourd'hui le Breton, mine de rien, avoir fait du Latin m'a familiarisé avec une "déstructuration" de l'organisation des phrases radicalement différente. En Latin, le verbe est à la fin et en 2e position en Breton; la structure est également très souple... 

  On refuse une ouverture d'esprit, un apport culturel à des élèves certes en minorité pour favoriser des enseignements destinés au plus grand nombre! On refuse l'excellence à une minorité pour favoriser la "masse". En allant de plus en plus, vers la standardisation, on refuse l'émergence d'une élite au nom de l'égalité! L'égalité, ce serait de faire découvrir les langues anciennes dès le primaire, la richesse historique et les apports linguistiques peut-être une heure dans le mois et offrir à chacun dès la 6è la possibilité d'apprendre le Latin, le Grec, sa langue régionale ou pour les plus scientifiques, faire des expérimentations scientifiques de base, simples; aller au musée ou visiter les monuments de la région. Tous les enfants n'ont pas la chance le mauvais souvenir d'avoir des parents qui les emmènent trainent dans les musées et les lieux culturels. Moi aussi, on m'a trainée dans les musées en râlant (les premières années, après j'en ai compris l'intérêt) mais aujourd'hui, je m'intéresse à plein de domaines différents, si je tombe sur des articles d'actualité sur internet ou dans la presse, je m'émerveille des découvertes archéologiques petites et grandes; je vais souvent visiter les églises ou les "petits monuments" (lavoirs, calvaires, restes de portiques...) que je peux croiser en lisant les panneaux explicatifs, pouvant parfois traduire les inscriptions (mieux que le résumé succin qui y est parfois adjoint).

  Cette richesse personnelle et culturelle n'a pas de prix! Au lieu de détourner les élèves de ces enseignements et les appauvrir pourquoi ne pas mener une campagne nationale de promotion?
  Madame la ministre de l'éducation, j'ai fait deux ans de Latin au collège, du fait des options et de mon orientation, je n'ai pas pu continuer au lycée à mon grand regret. Oui, on n'était qu'une petite vingtaine issus de 4 classes, on trainait pour aller en cours, on se foutait des vêtements excentriques de la prof, on pompait les uns sur les autres pour faire nos versions et nos thèmes. On râlait car la prof avait décrété que le Latin, c'est important; on avait minimum 1 h 30 mais souvent 2 h, voire 2 h 30 de travail personnel en Latin, chaque semaine! Des contrôles toutes les 3 semaines, plus les contrôles surprise... 
Mais je ne regrette rien! Ca m'a servi pour apprendre mon vocabulaire médical, pour mon vocabulaire Espagnol, pour apprendre le Breton (même si ça remonte à loin, j'ai été habituée à des structures de phrases différentes, à faire le lien entre étymologie et noms de lieux ou noms communs); je relis régulièrement La guerre des Gaules de ce brave JC (Jules César, pas l'autre...) ou L'Histoire Romaine de Tite-Live.

  On voudrait priver des enfants, des jeunes de cette immense richesse culturelle et personnelle pour les mettre au niveau de la masse? Les philosophes des Lumières, pères de l'Académie française doivent se retourner dans leur tombe!