dimanche 12 avril 2020

Journal d'une confinée 6 J+26 Une vie en suspens

  Une bonne nouvelle pour certains peut en être une mauvaise pour moi qui me ramène à tout ce que je n'ai pas malgré mes efforts. Je suis contente pour ces gens qui ont certaines chances, je ne suis pas jalouse, tant mieux pour eux, tant pis pour moi, c'est le principe.

  Pour certains, la vie continue. Pour moi, elle est arrêtée tant que la crise sanitaire ne sera pas terminée et ça semble parti pour durer.

  Pas de travail, pas de salaire donc ni vacances, ni sorties, ni loisirs qui sortent de l'ordinaire tant que les choses ne repartiront pas. Je vais devoir continuer à survivre; jusqu'ici je tenais mentalement parce que je savais que je n'avais pas le choix et surtout parce que c'était plus important que retravailler. Les employeurs veulent des employés disponibles en permanence, pas des gens qui ont des impératifs horaire. Je les comprends (un peu parce que sur certains postes, ça aurait pu passer) même si je dois payer mes factures et que je ne sais même pas comment j'arrive à payer ces frais imprévus. Heureusement, tout n'est pas noir, loin de là. La magie internet permet d'avoir accès à plein de choses gratuitement mais un cinéma, un restaurant, une soirée, ça me manque même si globalement, je suis pas mal sortie ces derniers mois grâce à la mutualisation de ressources (je te paie ça, tu me paies ça) qui permet des économies d'échelle et de dégager un peu de budget sortie.

  Six ans sans vacances (en admettant qu'un pauvre week-end avec mon frère soit des vacances), j'avais espéré qu'une fois toutes mes factures payées, j'aurai 20 ou 30 € pour me faire la journée de "vacances" que je n'ai pas pu m'offrir l'an dernier pour cause de soucis de voiture. Essence, sandwich, une glace ou un verre en terrasse, des souvenirs. Pas de folies loin de là et un budget restreint au minimum mais c'est déjà beaucoup. Six ans sans vacances donc et deux ans sans "pseudo-vacances" (que j'appelle la soupape de sécurité qui me permet de tenir une année de plus).

  L'homme de ma vie est aux abonnés absents, j'attendais le retour du soleil pour sortir mais le soleil est là et je suis en prison confinée. C'est parti pour durer tout l'été, or les gens sortent plus l'été d'autant plus quand on est célibataire et qu'on travaille la semaine. Je sais que je n'aurai jamais d'enfants, le temps passe et il est presque écoulé mais au moins, trouver un homme qui m'épouse, ce serait déjà bien. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il semblerait qu'il soit plus question d'augmenter le temps de travail que d'embaucher, une fois le confinement terminé et de "sucrer" les vacances des salariés. Donc les gens auront moins de temps et d'envie pour sortir tout simplement et les pauvres qui comptaient sur les congés d'été pour trouver des remplacements dont je fais partie n'auront pas d'argent.

  Mes projets d'avenir sont beaucoup conditionnés à la reprise d'un emploi qui était elle-même conditionnée à la fin de mes obligations personnelles. Je suis enfin libre et je ne peux pas travailler. On m'a appelée les deux premières semaines, des agences intérim puis plus rien. J'imagine que les employés ont justifié leur salaire en remontant dans les cv pour mettre les dossiers à jour.

  Du coup, j'ai l'intention de lister tout ce que j'avais prévu de faire dans les prochains mois: écriture et correction, couture, bricolage; l'idée sera de me dégager du temps pour sortir une fois le confinement terminé. J'espère qu'il n'attendra pas la fin de l'été (ma voiture sera morte de toutes manières), j'aurai du temps et de l'argent pour sortir, si la chance est avec moi...

  De toutes manières, il y a au moins une chose qui est claire. Sitôt le confinement levé, je me prends dix jours de vacances sans recherche d'emploi (mais bien sûr, je vais être assaillie d'appels) à me balader (même si c'est juste prendre le bus pour aller lire ou dessiner dans un parc) ou mieux si j'ai du budget. D'ailleurs, je vais commencer une cagnotte spéciale fin de confinement. Qui sait? L'homme de ma vie m'attendra peut-être enfin?