mardi 17 mars 2015

Harcèlement scolaire

  Je croyais en avoir déjà parlé ailleurs mais je me trompais. J'ai été victime de harcèlement scolaire durant deux ans au collège.
Déménagement dans une petite ville où tout le monde se connait depuis la maternelle. Au début, les gens viennent me parler, je suis "la nouvelle" sauf que voilà, quand on me demande d'où je viens, on me dit que je mens (oui, mon père avait eu un contrat à l'étranger, ce n'est pas ma faute!). Ils voient bien que c'est vrai quand les profs me demande si c'est bien Xxx. Naïve, je dis la vérité: c'est bien mais c'est comme partout, on va à l'école, on fait ses devoirs, les we sont bien remplis même si on visite des endroits différents. Je ne sais pas si je suis passée pour la fille blasée mais je crois que c'est quand ces imbéciles se sont rendus compte que je ne mentais pas que ça a commencé.

  Je m'étais fait une copine, la fille la plus gentille de ma classe, calme, timide qui avait deux copines dans d'autres classes. Sauf que voilà, elles parlaient de choses que je connaissais pas! 
Les groupes de musique? Inconnus, on n'avait pas les mêmes à l'étranger. Les émissions de télé qu'elles regardaient? J'avais regardé un peu mais non, ça ne me disait rien de regarder des sitcoms pour ados, le Hit machine (je n'ai rien contre le Hit machine, mais je le regarde quand je tombe dessus, pas tous les matins), les films à la mode (je n'étais jamais allée au cinéma entre copines à l'époque). Le maquillage? On ne se maquillait pas dans mon ancien collège, ma mère ne se maquille pas donc ça ne m'était venu à l'esprit que pour "quand je serai grande" (depuis, j'ai appris à me maquiller, j'en reparlerais peut-être, sur internet et dans les magasines féminins. Mais je l'ai fait pour moi, comme quand une femme se met à mettre des bijoux, pour m'embellir et pas pour me cacher ou faire comme les autres. Je ne me maquille pas tous les jours d'ailleurs.). Les vêtements? Déjà, je ne passais pas mon temps à acheter des vêtements et puis, les marques (je veux dire, le fait d'arborer des marques, même si c'est moche, juste parce qu'il y a le logotype de la marque dessus. Et plus le logo est gros, plus le vêtement est beau, bien évidemment), ça ne m'intéresse pas. J'ai un style classique mais j'ai toujours eu le sens du "beau": ça me met en valeur, ça ne me va pas mais je n'ai rien à faire de la mode, ce qui compte c'est que le vêtement soit joli, me plaise et mette ma silhouette en valeur. J'ai des marques fétiches de prêt à porter qui sont abordables, de qualité (relative comme tout ce que l'on achète de nos jours) et qui correspondent à mon style. Sauf que je ne suis jamais rentrée dans des moules, c'est "ça, j'aime" et "ça, je n'aime pas", marque ou pas, mode ou pas. Les garçons ne m'intéressaient pas à l'époque.

  J'écoutais, j'apprenais, je parlais de moi, ma différence et un jour, elles m'ont dit "Casse-toi!" sans prévenir, un matin en arrivant. C'est là que tout a commencé.
  Je me suis naturellement tournée vers les autres filles de ma classe qui m'ont rejetée également. Pourquoi? Tu n'es pas d'ici. Non, on ne se connait pas depuis le primaire (voire la maternelle) et alors? Je ne suis pas intéressante pour autant?

  Les récréations étaient longues, très longues. Dix minutes, ça en fait des secondes qui s'écoulent lentement... Au début, je prenais un livre pour me donner une contenance et m'occuper. Et après, à quoi bon? J'ai voulu faire ma fière et j'attendais stoïquement, l'heure de rentrer en classe en rêvant, en m'interrogeant sur le monde, sur les gens, la société. 

  C'est de là que vient la cassure. 

  Comme je n'avais personne pour m'initier à la mode, la musique, le cinéma des adolescents, je n'ai pas rattrapé mes lacunes forcément! Les garçons ne me regardaient pas, jusqu'au jour où ils m'ont proposé de jouer au foot avec eux, vu que je leur renvoyais souvent la balle dans les buts quand elle tombait à mes pieds. Mais hélas, c'était deux mois avant la fin de ce calvaire. Ils se sont intéressés à moi un an avant la fin du collège suite à une fête pour nos correspondants où je m'étais maquillée et bien habillée, mais c'était trop tard et ça n'a pas duré longtemps.
  J'étais le bouche-trou à la cantine, j'attendais la fin du service pour compléter les tables, on ne me parlait pas, on faisait mine de me "piquer" mon pain ou mon dessert. Bref, je mangeais à côté de mes camarades de classe en écoutant les conversations et en y participant mentalement, parfois je m'y mêlais mais ils faisaient comme si je n'avais rien dit. 
  On me bousculait dans les couloirs; une fois, on a caché mon sac soi-disant pour me faire une blague. Pour les travaux en groupe, il va de soi que je me trouvais souvent seule ou la dernière à boucher les trous comme en sport.
Une autre fois, en chimie, les gars derrière moi lançaient des gouttes sur mon tee-shirt (un de mes préférés évidemment), je croyais que c'était de l'eau et leur ai dit d'arrêter. Ils ont continué, j'ai crié plus fort d'arrêter, le prof n'a pas réagit et ils ont cessé. Je n'ai compris que plus tard pourquoi: mon tee-shirt blanc (évidemment) était constellé de tâches brunes qui ne sont jamais parties. Ma mère a teint mon tee-shirt en noir et j'ai pu le porter encore longtemps mais bon. Je ne sais plus quelle excuse j'avais inventée ni combien de temps après, je l'ai vu.

  Alors je bossais pour moi, mon avenir, pour ne pas redoubler et quitter enfin ce collège de malheur! Je voulais être dans les premières de la classe mais certaines matières plombaient ma moyenne. Ma mère s'est mis en tête de me faire redoubler à cause de ça et n'a pas lâché pendant 5 ans. Cinq ans pendant lesquelles ma mère demandait toujours mon redoublement à mon prof principal qui ne comprenait pas: j'avais des faiblesses mais je travaillais et m'en tirais honorablement au final sauf dans quelques matières. Pour la petite histoire, j'ai fini par demander ce redoublement moi-même au bout de 5 ans pour avoir la paix et parce que mes notes étaient faibles dans les matières qui correspondaient à l'orientation que je souhaitais. Je voulais arriver au bac avec des notes en béton pour pouvoir avoir l'orientation que je voulais. Mais si elle avait eu confiance en moi, je suis sûre qu'il en aurait été autrement.

  Heureusement que j'étais forte et que malgré ma faible estime de moi, je m'aimais. Je me trouvais jolie, intelligente et pas si nulle que ça. Je voyais bien que c'était eux "les cons". Je travaillais pour réussir, je n'ai jamais lâché mes études. Par bravade, je passais mes récrés sur un banc, seule (forcément!) sans livre ou autre pour leur mettre leur méchanceté sous le nez (je chantais ou récitais mes leçons dans ma tête, je rêvassais, je m'interrogeais sur le monde ce qui n'a fait qu'accroître le décalage car c'est à ce moment là que j'ai commencé à avoir une vision différente du monde qui m'entoure). 
Cette période a fait le lit de ma solitude actuelle et de mon anticonformisme qui me coûte si cher (même si plus le temps passe, plus je me dis que si la solitude est le prix de la liberté, ça en vaut la peine! Je me fiche de ce que pensent les gens de moi, je vis pour et par moi sans les chaînes du qu'en dira-t'on.).

  Je paie encore et toujours le prix de cette période. Ma vie aurait été différente si j'avais eu des amies. Certes, je me serais ennuyée de leurs conversations superficielles (oui, calculer la différence d'âge avec Brad Pitt et s'émerveiller de voir qu'on pourrait se marier avec. J'étais sidérée ce jour là et j'ai eu vaguement pitié de tant de puérilité), je ne me serais pas habillée à la mode mais j'aurais su comment me tenir au courant (les magasines féminins et leurs pubs avec des produits hors de prix, je suppose), je n'aurais pas été en retard musicalement (je ne connais AUCUN groupe à la mode, je ne sais pas où chercher à le savoir et ça ne me manque pas). Cette solitude m'a rendue critique envers la société et les gens, je m'assume telle que je suis et je ne change pas d'avis pour plaire à mon interlocuteur (ça m'arrive souvent de voir les gens aimer soudain un truc qu'ils haïssaient deux minutes avant que je dise que moi je l'aime. Je ne comprends pas ce genre de comportement. Dire qu'on veut découvrir pour éventuellement réviser son opinion, je dis oui mais sinon, no comment.).

  Ca m'a effleuré d'en finir par moments. Oui, j'y ai pensé; pas sérieusement, j'aime trop la vie et je savais que c'était temporaire, que je devais tenir jusqu'au soir, au week-end, aux vacances, à la fin de l'année, à la fin du collège. Alors quand j'entends aux infos (que je regarde très peu, j'en ai parlé dans mon article sur la désinformation volontaire) qu'un petit ou le plus souvent une petite en a fini avec la vie suite à du harcèlement scolaire, je repense à moi, ça aurait pu être moi. Heureusement, on n'avait pas internet à l'époque... Mais quand on dit que les enfants ne se rendent pas compte de la portée de leurs actes, je ne suis pas d'accord. Au collège, on est grand (ou j'étais trop mûre pour mon âge, je ne sais pas), on a conscience de la conséquence de ses actes, on voit bien que l'autre se donne une contenance, qu'il refoule ses larmes, qu'il doit s'ennuyer tout seul sur son banc ou son mur, qu'il est content dès qu'on lui dit un mot, qu'il s'immisce dans les conversations de force parce qu'il souffre de ce silence. Alors, je suis désolée mais vous êtes responsables de beaucoup de mes failles actuelles car vous n'avez fait que "valider" et renforcer les croyances de mes parents toxiques. Si je vous recroise, ne venez même pas me parler.

  Quand je vois que parmi une centaine d'enfants de mon niveau (5 classes de 30, je crois), pas un n'a eu pitié de moi et que d'autres enfants étaient isolés dans d'autres niveaux (on se croisait parfois à la récré), je comprends mieux les gens d'aujourd'hui qui savent si bien passer de bons moments avec moi et me jettent quand ils se lassent, partent sans dire au revoir, n’assument pas leur décision et me font mal juste par manque d'honnêteté. Ces enfants sont devenus les adultes dans la continuité de leur adolescence, sans se remettre en cause et mûrir à un seul moment.
Mais moi, je ne suis pas comme ça, l'argent ou le paraitre ne guident pas ma pensée et mes actes. Je reste la collégienne sur son muret qui rêvasse et médite sur le monde qui l'entoure, je peux me regarder droit dans les yeux tous les matins dans mon miroir. Et vous savez quoi? La fille sans marques se trouve jolie, belle avec son maquillage appris dans les magasines et ses vêtements qui lui vont et la mettent en valeur sans se soucier de la mode qui change tous les six mois, intelligente et elle vit de plus en plus pour elle sans se soucier du regard des autres. Et en pensant à vous en écrivant cet article, elle se dit que vous ne valiez pas grand chose à l'époque et elle doute que vous ayez changé...