dimanche 29 mars 2015

Moi, Azenor B. , fille de parents toxiques 19: Je suis anormale et alors?

  Anormal s'entend évidemment au sens premier: qui sort de la norme. J'ai mis énormément de temps à l'accepter car ça a causé bien des souffrances qui n'ont pas été atténuées et dédramatisées par des parents aimants.

  Pour ceux qui ont parcouru mon blog, même si j'y mêle parfois des histoires qui ne sont pas les miennes, je parle globalement de choses que j'ai vécues. 
Jeune, vers une dizaine d'année, je suis restée tout à fait sage durant quelques jours pour savoir pourquoi ma mère ne m'aimait pas et pourquoi mon père ne lui disait rien (c'est pour cela que j'en parle peu car il est transparent). J'ai été grondée comme d'habitude donc j'ai compris que je n'étais pas la cause du désamour de ma mère. J'ai fini par me persuader que l'amour parent-enfant n'existait que dans les films et dans les livres, ce qui voulait dire que les mères de mes copines faisaient semblant pour "faire bien". Au collège, une de mes amies m'a dit: "Elle est méchante ta mère." comme un constat après que ma mère m’aie engueulée suite à un rendez-vous changé en dernière minute (il n'y avait pas de portable à l'époque). En primaire, je voyais bien que mes copines avaient le sourire en retrouvant leur mère et que leur bisou n'avait pas l'air faux, gêné. Mais je parvenais à me mentir à moi-même, car la réalité était trop dure (je savais que je me mentais mais faire autrement m'était impossible). 
J'ai cherché dans les livres et les films ce qu'était une mère normale, je suppose pour devenir ma propre mère comme Anne FRANK. Car c'est ce que j'ai fini par devenir: enfant, je me suis consolée, encouragée, félicitée, grondée parfois. Je me caressais (la joue le plus souvent), me prenais la main, je dormais parfois "dans mes bras"; je le fais toujours d'ailleurs car comme tout le monde, j'ai besoin de signes d'amour quand je suis heureuse ou triste. Une peluche ou mon oreiller ont recueilli la majorité de mes larmes que ma main a essuyé d'un geste caressant. Heureusement que malgré mon manque d'estime de moi, j'ai réussi à m'aimer assez pour ne pas voir mon esprit se disloquer. 

  A l'adolescence, j'en ai parlé, la solitude a commencé en partie parce que ma mère n'a pas accepté que je grandisse et ne m'a pas aidée à ça: elle ne m'a pas appris à suivre un minimum la mode; je n'avais pas le droit de sortir; si je sortais avec un garçon, j'allais tomber enceinte ou au mieux abandonner mes études (oui,oui...); elle ne m'a pas appris à me maquille ou avoir l'air extérieurement comme les autres (épilation, m'habiller de façon à me mettre en valeur et arrêter de mettre des couleurs qui ne me vont pas et m'éteignent (oui, le fameux rouge que je n'osais pas porter!)). En plus, manque de chance pour tout un tas de raison, ma puberté a été plus tardive que celle des autres: pas de seins, pas de règles (dont ma mère m'a parlé d'un ton gêné (?), pas à l'aise et quand je les ai eues, elle l'a dit à mon père, mes frères et sœurs de manière pas discrète, merci maman pour le respect de mon intimité d'adolescente qui fait face à des changements!). Cette solitude m'a permis d'avoir un dialogue intérieur riche et intéressant, de rêver, de réfléchir sur le monde qui m'entoure avec un œil assez critique car j'étais éloignée du discours formaté de mes camarades.

  En plus de ça, je suis un "zèbre"! Je remets en cause les "vérités" qu'on m'assène, j'utilise parfois des mots que les gens ne comprennent pas (même face à des jeunes adultes, je me trouve parfois désemparée de voir que des mots simples du dictionnaires ne sont pas compris...), je passe des étapes quand je raisonne, beaucoup de gens ne suivent pas tout simplement, je m'ennuie facilement si je manque de stimulation intellectuelle (du coup, je fais autre chose en même temps: dessiner, écrire, chanter dans ma tête, je rêvasse, tient de grandes discussions avec moi-même, me récite des poèmes, me raconte des histoires de livres que j'aime particulièrement, revoit des films que j'aime bien en accéléré dans ma tête) et ça doit parfois se voir bien que je participe à la conversation activement. J'aime toucher à tout donc je suis la fille qui a des goûts et des centres d'intérêts "bizarres" car j'ai assez peu d'a priori (oui, j'ai découvert ainsi vers 10 ans (je crois) que les musées, ça peut être bien!).
Mais je n'ai pas été diagnostiquée (j'ai juste fait des tests de Q.I. qui ont révélé une intelligence supérieure à la moyenne) et d'autant moins soutenue par mes parents et mon entourage. 

  J'ai mis longtemps à m'accepter, même si je me suis toujours aimée fort heureusement. La différence si elle fait rêver et "fait rebelle" coûte extrêmement cher dans notre société formatée et conformiste si elle est trop prononcée. J'ai tenté de rentrer dans un costume trop petit pour moi durant des années mais forcément, les coutures ont fini par craquer et je n'ai pas su comment recoudre tout ça. Aujourd'hui, je tente d'accepter cette différence et d'en payer le prix car je sais que je ne serai pas heureuse autrement. Mais je n'ai pas beaucoup de soutien et je suis relativement seule face à ça (j'aurais voulu que mes parents m'aident ou à défaut ma famille). C'est un peu comme accepter son homosexualité ou une maladie: rien ne sera plus comme avant une fois qu'on décide d'avancer sur ce chemin, il faut tout remettre en cause et tout redéfinir pour tenter de trouver un équilibre.