mardi 10 mars 2015

Moi, Azenor B. , fille de parents toxiques 15: Vivre sa vie


Cet article traîne dans un coin de ma tête depuis quelques temps déjà, mais la mort de Florence ARTHAUD, Camille MUFFAT et Alexis VASTINE me donne la force d'écrire. Paix à leur âme.

  Mes parents toxiques ont tout fait pour m'empêcher de vivre (Mais d'où te viens cette idée? A ta place, je ne le ferai pas! Tu pourrais échouer (sous toutes ses formes: avoir un accident de voiture, que ton covoitureur soit un psychopathe, avoir une panne car ta voiture est vieille; te perdre, faire une mauvaise rencontre.)). Mon ex-mari également (si je prenais une initiative du genre faire un gâteau, "je ne sais même pas d'où te vient cette idée!" répété comme une litanie).
Alors, je n'ai rien fait, je ne suis pas sortie des sentiers battus, malgré l'envie que j'en ai. J'ai attendu d'être libre loin de cet entourage.
Mais une fois libre physiquement et vivant seule chez moi, enfin, je n'ai pas réussi. Il y a des facteurs physiques: le manque d'argent notamment qui bloque de nombreux projets (bien que ça n'empêche en rien de les noter dans un coin et de poser les premières pierres ne serait-ce qu'en se renseignant sur ces projets et sur les ressources nécessaires) et psychologiques (dur quand on n'a jamais pu prendre la moindre initiative qui va à l'encontre de ce que les autres veulent d'avoir tout d'un coup le choix). Je me rappelle de mes premières courses: je voulais tout acheter, tout ce que je n'ai jamais pu manger,  les choses que j'ai toujours dit que j’achèterais quand je serai grande; sauf que ça faisait trop de choix et comme on ne m'a pas appris à choisir seule, j'ai pris ce que je prenais habituellement et j'ai acheté peu à peu les choses qui me faisaient de l’œil depuis des années. Je pense à la tielle de Sète: ça a l'air bon, moelleux, la couleur est jolie, ça a l'air lisse, mais ma mère n'a jamais voulu en acheter en prenant un air dégoûté. Je crois que c'est un des premiers tests que j'ai fait, je n'aime pas la garniture, la pâte n'a rien d'extraordinaire, mais j'ai goûté. 

  Florence ARTHAUD je la voyais souvent à Thalassa le vendredi soir, j'aimais son sourire, ses yeux pétillants et la gentillesse qui semblait émaner d'elle. Et aussi, ce qu'elle faisait: affronter la mer! Les navigateurs me fascinent en bonne Bretonne que je suis. Pour la petite fille qui ne jouit d'aucune liberté hors du champ laissé par mes parents, elle incarnait ce que je voulais devenir plus tard.

  Depuis quelques jours, je vais mal, je pleure souvent, je sens que des choses "craquent". Il est temps pour moi de vivre, enfin. Sauf que je ne sais pas par où commencer. Commencer petit par un bout, découper les choses, mais par quel projet, quel morceau? Alors, ça me remue car je revois aussi qui je suis, je réévalue mes valeurs et mes priorités, je suis de nouveau en crise de conscience et je ne sais pas ce qui en sortira, du mieux, j'en suis sûre.
J'ai une addiction au sucre, j'en ai déjà parlé et depuis quelques temps, chose nouvelle, le sucre ne m'attire plus, les plats préparés ne m'intéressent pas, je me dirige vers des fruits et des légumes frais, j'ai du plaisir à cuisiner pour moi. En quelque sorte, je fais du bien à mon corps. J'ai une nouvelle fois coupé mes cheveux pour retirer une partie de mon passé de manière symbolique, j'ai refait du tri dans mes quelques relations. 
Mais je crois qu'il ne faut pas trop se poser de questions et faire, agir, vivre. J'ai l'immense défaut de trop intellectualiser les choses (on m'a aussi appris à me méfier de tout et de tous, à douter à outrance de moi, les vieux réflexes surgissent tant qu'on n'en a pas mis de nouveaux en place. Et on ne refait pas 25 ans de sa vie comme ça.). Ca va mieux, mais pour aller où? Alors, je me prends quelques jours pour noter mes petits et grands rêves sur un cahier, j'avais déjà noté qui je voulais devenir, j'y ai plutôt bien réussi, il me faut faire un immense pas de plus vers la délivrance mais c'est douloureux car ça veut dire faire un pas non pas vers la liberté, car je l'ai trouvée il y a quelques mois mais vers l'oubli que j'ai très longtemps refusé car oublier, c'est risquer de "faire pareil", chose que je refuse! Mais si je veux vivre, je n'ai pas le choix...

  Alors oui, ces morts me touchent particulièrement, car ces disparus ont vécu leur vie et leur rêve.