vendredi 16 mars 2012

Désillusion d'une jeune diplômée 3

  Près de 4 ans après l'obtention de mon diplôme, je ne crois plus en l'avenir, le mien en tous cas! "Génération sacrifiée", j'en fais partie, je le paie quotidiennement. Peut-être que la présidentielle apportera un regain d'espoir et de foi en l'avenir, mais je dois mener la majeure partie de mon combat seule.
Dans un secteur concurrentiel, en période de crise, victime de préjugés (réorientation, en âge d'avoir des enfants, parcours trop hétéroclite...), je crois plus en un possible avenir et je ne parviens plus à me projeter à 5 ou 10 ans. Je ne l'imagine pas!

  Isolée socialement et économiquement, j'ai perdu toute ambition, toute foi en mon diplôme "qui ne vaut rien!". Il m'a pourtant coûté cher!
Les fins de mois difficiles sont mon quotidien: mes rares loisirs sont autant de courses en moins mais j'en ai besoin pour tenir moralement, le mot "vacances" est un fantôme irréel comme surgi d'un lointain passé impalpable et un vague espoir "si ça va mieux", mes projets sont tous sur "Pause" en attendant des jours meilleurs, une de mes premières préoccupations est de parvenir à payer mon assurance voiture pour garder un minimum d'autonomie et pouvoir accepter un emploi éloigné.

  Je n'ai pas acheté de viande, de poisson, de bonbons ou de gâteaux (si utiles quand ça va mal; oui, le sucre est ma drogue quand j'ai des bleus trop douloureux à l'âme), de légumes frais depuis longtemps. Je vide mes placards, une fois de plus, en mangeant des pâtes premier prix, moins chères au kilo, sans sauce, ni accompagnement. Une boisson chaude au petit déjeuner sans accompagnement pour économiser, beaucoup de pain (maison), des soupes en sachet très très diluées en accompagnement de temps en temps pour compléter mes fonds de placard. Je parviens à manger à ma faim mais sur le plan nutritionnel, ce n'est pas l'idéal.

  Le coeur broyé, j'ai de plus en plus de mal à accepter des emplois sous-qualifiés dans des secteurs éloignés du mien qui ne m'apporteront rien si ce n'est des questions pernicieuses: "Vous êtes assistante de direction et vous avez travaillé dans un fast-food; expliquez moi ça?"; je me demande parfois si les recruteurs jouent les imbéciles ou s'ils le sont vraiment! A moins qu'ils n'aient pas connu ce genre de situation ou aient oublié... Un jour, je vais finir par en mordre un ou par partir; c'est de la discrimination, ils sont les premiers à reconnaître, en aparté, qu'un parcours linéaire est un critère de tri parmi les nombreux C.V. reçus.
Le travail est une chose importante, un emploi qui me plaît est une priorité! La "valeur travail" n'est pas une notion abstraite, pour moi, ça compte, il est important de se donner dans ce que l'on fait, mais pour cela, il faut aimer ce que l'on fait.

  Ce combat m'évoque souvent la dernière phrase de Vipère au poing d'Hervé BAZIN (un livre poignant que j'adore et qui résonne fortement avec mon passé; merci à mes professeurs de Français et à mes parents de m'avoir donné le goût de la lecture, cela me sauve en me permettant de m'évader durant quelques heures et surtout de me "nourrir" intellectuellement, en meublant mon ennui):
" Cette vipère, ma vipère, dûment étranglée, mais surtout renaissante, je la brandis encore et je la brandirai toujours, quel que soit le nom qu'il te plaise de lui donner : haine, politique du pire, désespoir ou goût du malheur ! Cette vipère, ta vipère, je la brandis, je la secoue, je m'avance dans la vie avec ce trophée, effarouchant mon public, faisant le vide autour de moi. Merci ma mère ! Je suis celui qui marche, une vipère au poing."

  "Ce diplôme, mon C.V., durement rempli mais toujours triomphant, je le brandis encore et je le brandirai toujours, quelque soit l'adjectif qu'il vous plaise de lui donner: vide, chaotique, incohérent ou atypique! Ce C.V., ce parcours, je le brandis, je l'agite sous vos nez rieurs, je m'avance dans la vie avec ce trophée qui m'a tant coûté, effarouchant vos parcours linéaires, faisant le vide autour de moi. Merci vos préjugés! Je suis celle qui marche mon C.V. au poing." pour la paraphraser. 

  Et une dernière paraphrase pour la route: "Je suis de lignée Bretonne, je ne céderai pas!" (Vous avez sans doute reconnu la dernière phrase de Rhinocéros d'Eugène IONESCO: "Je suis le dernier homme, je ne céderai pas!" ).