samedi 2 mai 2020

Journal d'une confinée 12 J+46 Fuir les agents pathogènes

  Pathogène du grec Pathos souffrance et Génos naissance. Ici, pathogène au sens propre donc.

  Séance de sport à distance avec un voisin puis on discute. La discussion a tourné uniquement autour de la pandémie. Et j'ai eu beau tenter d'orienter la conversation vers autre chose, rien à faire. Et je me suis rendu compte que ça fait un mois et demie que ça dure. Ceci expliquant cela en grande partie. Stimulus, traitement de l'information, émotion en gros pour schématiser à fond. En ce moment, plus d'informations négatives entrent que de positives (même si ça se discute, un bon livre ou un bon film, ça reste de l'information positive à mon sens mais dans les périodes où on est enfermés, les relations avec les autres prennent une autre dimension). Les gens autour de moi, les médias (que j'évite au maximum de toutes manières) ne parlent que de "ça". Déjà qu'un confinement, c'est dur...

  Bien sûr, je comprends le besoin de verbaliser et d'échanger mais je crois qu'il faut rester mesuré. On en parle mais on ne parle pas QUE de ça! Or, c'est le cas et ça coince. J'ai beau ramener la conversation sur des choses positives, ça reste compliqué. Alors que faire? Emotionnellement, cela ne n'est pas supportable dans le contexte actuel. Ne reste que la fuite. Après, je ne jette pas la pierre aux gens. Mes parents tentent de me faire sourire avec des sms humoristiques sur le sujet mais si l'intention est gentille dans le fond, ça ne m'aide pas. J'ai besoin d'air, de penser à autre chose. Peut-être que c'est moi qui suis différente de la majorité des gens, sans doute. L'hypersensibilité (et la fatigue, ne nous mentons pas sur le sujet) n'aident pas. Peut-être que l'émotion ressentie est plus profonde et qu'au lieu de jouer un rôle de catharsis, elle me blesse un peu et que d'attaque en attaque, mes défenses s'effritent. C'est tout à fait possible mais je suis honnête avec moi-même, actuellement, je ne peux pas le supporter. Alors, je vais me couper des conversations sur le "sujet du moment" et tout simplement partir, cela ne m'intéresse pas et j'estime ne pas avoir à culpabiliser, c'est une mesure d'hygiène mentale. Tout comme partir quand quelqu'un fume et refuse d'éteindre sa cigarette, je m'éloigne. Moi aussi, j'ai besoin d'en parler, ici ou dans mon journal intime mais j'essaie de ne pas polluer et charger émotionnellement les autres avec "le sujet" ou alors, pas longtemps.

  C'est en très grande partie de là que vient ma déprime actuelle, il me semble. Ou en tous cas, ça n'aide pas du tout car les seules relations que j'ai en ce moment ne parlent que de CA. Or, j'ai besoin d'autre chose. Parlez-moi de chatons, de papillons, de fleurs, de livres, de musique, de ce que vous ferez après, de vos loisirs, mais pas de ce qui se passe en ce moment. Et moi, j'irai mieux. Parlez-en à votre blog, votre journal intime ou à votre psy. Mais laissez de l'air aux gens dans votre entourage, parlez leur d'autre chose. Si c'est dur pour vous, ça l'est aussi pour eux. Et ne parler QUE du ça, ça va deux minutes. Ce n'est pas ce que je recherche, je cherche autre chose, j'ai besoin de verbaliser les choses bien sûr mais vite fait, bien fait et on passe à des sujets plus positifs. Et tout le monde s'en portera mieux.

  Sinon, ça va mieux, nettement mieux. Je me suis pris un premier mai de relâche à regarder des films, écouter de la musique et lire ce qui m'a fait le plus grand bien. Il me fallait toucher le fond, je remonte doucement.