vendredi 1 mai 2020

Journal d'une confinée 11 J+45 Episode dépressif et confinement

  Depuis une petite semaine, je coule doucement vers un épisode dépressif. Je ne dors pas bien malgré des heures de sommeil correctes mais la qualité est mauvaise (j'ai même fait un rêve dont je me suis souvenu chose très rare chez moi; par curiosité, j'ai été voir sa signification, rien de négatif en soi), je mange normalement mais les litres de thé coulent à flot (plus que d'habitude mais j'en consomme déjà énormément). Je manque d'énergie physique, c'est le point négatif et ma créativité est au plus bas, je n'arrive pas à écrire et le manque d'énergie m'empêche de me mettre à mes corrections.

  Le discours ambiant me plombe le moral: confinement, coronavirus, ce qu'on fera après le confinement (mais quand? Si c'est repoussé? Rien n'est fait). Je comprends que les gens aient besoin de se vider, je me vide ici et dans mon journal intime mais j'évite d'abreuver les gens de discours négatifs quand je peux.

  Le sommeil est ce qui me fait basculer car tout le reste va bien. Jusqu'ici, j'ai su pousser un coup de gueule quand il fallait, pleurer quand il fallait, me vautrer dans les livres, le thé, les vieux magazines féminins que j'ai ressortis et les films quand il fallait, faire un cours de danse virtuel quand il fallait, écrire quand il fallait. Ca craque, je viens ici et une fois la page refermée, ça va mieux. Mais mes relations les plus proches ont besoin de verbaliser sur le confinement et tout ce qu'elles ne peuvent pas faire. C'est dur de leur dire de regarder un film d'horreur (parce que oui, apparemment, c'est bon contre la dépression), de prendre un journal intime et d'écrire dedans mais de garder leur négativité pour elles. Il n'y a pas que le confinement dans la vie, je vois les livres numériques gratuits qu'on m'offre généreusement, le temps dont je dispose (même si au chômage, ça ne change pas grand chose) et la déculpabilisation de prendre de pseudo-vacances.

  Depuis hier, ça va mieux. Cette journée a été horrible mais elle a cristallisé mes émotions négatives. Parfois, il n'y a rien à faire, juste se laisser couler, toucher le fond et donner de l'élan pour remonter. C'est le choix que j'ai fait parce que mon instinct me dicte que c'est la seule chose raisonnable à faire. Et oui, ça va mieux aujourd'hui qu'hier, j'ai touché le fond et je remonte.

  Un rêve me poursuit depuis plusieurs nuits et plusieurs jours: une araignée tisse sa toile, inlassablement. Ce n'est pas négatif apparemment, paix, travail, créativité, communication avec autrui et il est vrai que c'est ce qui me manque pour retrouver la paix intérieure. Me remettre au travail et à mes activités quotidiennes délaissées depuis quelques jours, la routine sera ma meilleure arme pour remonter et retrouver le sommeil. Ma créativité est en berne et cela m'embête, je l'admets mais comme je ne sors pas, il n'y a pas grand chose qui "rentre", hormis les livres que je lis et les films que je regarde, les oiseaux que je vois dans les arbres devant ma fenêtre, ce n'est pas suffisant pour m'alimenter. Mon esprit à faim, faim de bribes de conversations entendues, de livres aux titres rapidement entrevus dans le bus ou dans les librairies, faim des gens et de la vie en général, faim de soleil surtout et d'air pur, de trajets en bus aussi, j'aime les trajets en bus baladeur vissé aux oreilles ou livre en main, les gens autour, le balancement du véhicule, les gens qui montent et descendent, les conversations, les connaissances croisées au hasard. En temps normal, j'aurais pris le bus, fait un tour en librairie pour le plaisir de flâner, acheté un sandwich, me serais offert un cinéma (et un paquet de bonbons) si ça ne va vraiment pas bien et je serai rentrée à pied jusque chez moi, tranquillement ce qui me fait trois quart d'heure/une heure de marche. En rentrant chez moi, je me serai fait un thé et mon état émotionnel serait revenu à la normale. Mais je n'ai pas ces soupapes de sécurité donc ça a été plus long. J'ai mis un peu de temps mais je l'accepte. Mon retard sur mes cours de langue en ligne s'accumule mais tant pis, mon retard de lecture aussi, d'écriture, de correction, en violon mais tant pis, ce n'est pas grave, je ne songe même plus à le rattrapper, j'ai besoin de me mettre dans une bulle, mettre ma vie entre parenthèse et en suspension pour quelques temps. Un jour férié, c'est l'idéal pour me faire une journée lecture, thé, films et jeux video sans culpabiliser. Et demain, demain, ça ira mieux.

  Hier après mon rendez-vous désastreux, je voulais rentrer à pied chez moi comme je l'aurais fait en temps normal mais à cause de leur confinement, je n'ai pas osé tenter le diable. Je n'ai pas pu faire jouer la soupape de sécurité habituelle et les conséquences n'ont pas tardé à se faire sentir. Le manque de ce qui devait me vider émotionnellement a continué à charger la mule.

Fais du bien à ton corps pour que ton âme aie envie d'y rester. C'est un proverbe indien et c'est tellement vrai. Un bain (pas moussant, hélas), des boules de bain, un carré pétillant et ça ira mieux. Une journée à ne rien faire sans culpabiliser et ça ira mieux, nettement mieux. Et tant pis pour le poids, il attendra. J'ai pris un demi-kilo ce mois-ci, je crois mais d'un autre côté, je me suis affinée alors tant pis, ça peut bien attendre quelques jours. M'accorder un week-end de trois jours sans sortir ne peut que me faire du bien. Et surtout couper les gens et leurs discours négatifs. Vos gueules, les gens! Il n'y a pas que le coronavirus et le confinement dans la vie! Lisez des livres, écoutez de la musique, regardez des films, des documentaires et des vidéos à la c... sur internet, dansez mais par pitié, oubliez le confinement pour une journée, une seule.